Il m'est arrivé, en accompagnant des élèves pendant les sessions du bac, de voir ce moment redouté : le trou de mémoire au beau milieu d'une épreuve. Silence intérieur, panique qui monte, mains qui tremblent — et la page blanche qui paraît monstrueuse. Pourtant, ce n'est pas fatal. En comprenant pourquoi survient ce "black-out" et en apprenant à utiliser intelligemment le brouillon, on peut non seulement reprendre le contrôle mais aussi récupérer des points précieux en montrant sa démarche.
Pourquoi le trou de mémoire arrive-t-il ?
Avant toute chose, il faut démystifier le phénomène. Un trou de mémoire n'est pas la preuve d'une incapacité définitive : c'est souvent la conséquence d'un mécanisme temporaire. Voici les causes les plus fréquentes que j'observe :
Stress et anxiété : l'adrénaline perturbe la capacité à accéder aux informations stockées.Mauvaise indexation de l'information : si une notion n'a pas été encodée avec des indices suffisamment variés (exemples, images mentales, liens), il est plus difficile de la retrouver.Interférence : des notions proches peuvent se mélanger (on confond deux dates, deux formules, deux noms).Fatigue et manque de sommeil : la consolidation des souvenirs est altérée.Mauvaise récupération contextuelle : on a appris dans un contexte différent et le contexte d'examen ne fournit pas les mêmes indices.Comprendre cela change tout : on passe d'une lecture émotionnelle ("je suis nul") à une lecture technique ("voici pourquoi j'ai du mal, et voici ce que je peux faire").
Le brouillon : votre meilleur allié pour expliquer le trou et grappiller des points
Beaucoup d'élèves sous-estiment le pouvoir du brouillon. Pourtant il peut être une preuve visible de réflexion, montrer votre méthode et convaincre un correcteur que vous maîtrisez une partie du raisonnement même si la réponse finale manque.
Voici des usages concrets et pratiques du brouillon que je recommande systématiquement :
Noter immédiatement tout ce que vous savez : si un mot ou une formule vous échappe, écrivez autour : définitions partielles, mots-clés, exemples, schémas. Cela peut réactiver la mémoire.Faire un plan ou un schéma rapide : pour une dissertation, un exercice de SVT ou un problème de maths, un plan montre l'intention et l'organisation de la réponse.Montrer la démarche : dans un exercice scientifique, rédigez les formules envisagées, les hypothèses posées, les conversions d'unités. Même si vous n'aboutissez pas au résultat, chaque étape peut rapporter des points.Écrire vos tentatives clairement : si vous avez commencé par une hypothèse erronée puis l'avez corrigée, laissez les deux versions visibles plutôt que de raturer complètement : le correcteur peut valoriser la progression.Rassembler ses "indices" : pour une question de culture générale, notez les mots-clés associés (auteurs, dates, concepts) : cela montre la culture mobilisée.Technique pratique : comment organiser votre brouillon
Voici un modèle simple et adaptable que j'utilise avec mes élèves. Vous pouvez tracer ce type de tableau en début d'épreuve et y revenir pour chaque question.
| Zone | Contenu | Utilité |
| Top gauche | Mémo des formules/notations | Accès rapide aux formules de base |
| Centre | Plan / schéma de réflexion pour la question en cours | Montre la méthode et structure la réponse |
| Bas gauche | Essais, conversions, calculs intermédiaires | Trace la démarche mathématique ou expérimentale |
| Droite | Liste de mots-clés/dates/auteurs | Rappels rapides pour la rédaction |
Ce découpage permet de garder une trace ordonnée. Le correcteur apprécie la clarté : un brouillon lisible augmente vos chances d'obtenir des points partiels.
Que faire concrètement quand le blanc survient ?
J'enseigne toujours une séquence simple à mes élèves pour gérer le trou de mémoire :
Respirez et décrochez (15 à 30 secondes) : faites quelques respirations lentes pour réduire l'adrénaline. Bouger légèrement la tête ou les épaules aide à relâcher la tension.Basculer sur une autre question : si le temps le permet, passez à une autre question pour laisser le temps au souvenir de revenir.Utilisez le brouillon : notez tous les éléments liés au sujet — même imparfaits. Le simple fait d'écrire déclenche souvent la récupération.Construisez par association : partez d'un mot simple et laissez venir les associations : dates, noms, chiffres, définitions. Les indices sont puissants pour la mémoire.Expliquez votre raisonnement : même si vous n'obtenez pas la réponse, décrivez ce que vous feriez (hypothèses, étapes). Cela prouve votre compréhension.Exemples concrets selon les disciplines
Quelques situations et ce que j'indique de faire :
Maths/Physique : écrivez les formules potentielles sur le brouillon, transformez les unités, indiquez les hypothèses. Si le résultat final manque, indiquez clairement la méthode utilisée, même en laissant le dernier calcul incomplet.SVT : dressez un schéma rapide, nommez les structures que vous avez en tête, décrivez les étapes d'une expérience. Les schémas et légendes peuvent valoir beaucoup de points.Histoire-Géo : écrivez une frise chronologique sommaire, des mots-clés, un plan rapide (introduction/axes/conclusion). Même une accroche et une problématique plausible donnent des indices positifs au correcteur.Philosophie/Français : notez des citations approximatives (et indiquez "citation approximative"), des concepts-clés et un plan. Indiquer l'auteur ou le sens général d'une citation, même imparfait, montre une culture littéraire.Que dire au correcteur si le trou est évident sur la copie ?
Il n'est pas courant d'écrire directement au correcteur, mais certains élèves ajoutent une petite note en marge du devoir lorsqu'ils croient avoir été victimes d'un problème (malaise, trou de mémoire bref) : "Trou de mémoire momentané — voir brouillon." Ce type de remarque ne garantit rien, mais si votre brouillon montre clairement votre réflexion, le correcteur pourra prendre en compte l'effort.
Plus efficace encore : au lieu d'excuses, montrez. Le brouillon doit contenir la preuve de votre logique. Un correcteur, confronté à un brouillon ordonné montrant les étapes, est prêt à attribuer des points de méthode ou partiels.
Prévention : des habitudes qui diminuent les trous
La meilleure stratégie reste d'empêcher le trou. Quelques pratiques à intégrer avant le bac :
Dormez suffisamment les semaines précédant l'examen.Faites des révisions actives (questionnaires, fiches à trous, cartes mentales) plutôt que de la relecture passive.Entraînez-vous en conditions réelles : temps limité, brouillon obligatoire, bruit ambiant parfois.Apprenez à formuler mentalement des "indices" lors de l'apprentissage (une image, une anecdote, une phrase clé).En préparant le terrain et en maîtrisant l'usage du brouillon, on transforme un moment de faiblesse potentielle en opportunité : montrer sa pensée, structurer sa réponse et récupérer des points même après un trou de mémoire.